Nous n’irons pas tous à Torremolinos…
Sevilla - Plaza de España (détails)
Les passagers se calent dans leur siège pour entamer la lente descente vers le pays des vacances. Par le hublot, les plus chanceux aperçoivent de larges langues de rochers qui dévalent vers la mer, une mer d’un bleu turquoise longée par une bande de béton disgracieuse. « Nous y sommes… à Torremolinos. »
« Souriez… Vous êtes en Andalousie ! » - Vaste territoire de plus de 87.000 Km² aux portes de l’Afrique, l’Andalousie peut s’enorgueillir d’un riche heritage métissé. Phéniciens, Romains, chrétiens, maures et juifs ont écrit son Histoire. L’Espagne n’est pas née ici mais l’Espagne vit ici : cante jondo, toros bravos, ferias colorées, fino et tapas, vestiges millénaires, cathédrales impressionnantes, palais majestueux, haciendas et ganaderias … Tout ici invite à la fête, mélange d’art, de culture et de dévotion religieuse.
Une semaine ne suffit pas pour visiter l’Andalousie, tout au plus peut-on s’en composer une image et se donner l’envie d’y revenir. Il faut émettre des choix entre toutes les opportunités qu’offre cette terre gorgée de soleil.
Aujourd’hui, je vous emmène sur la Costa de la Luz gaditana, loin des tours, des discothèques et des plages surpeuplées de la Méditerranée.
La playa de Bolonía
Oubliez l’aéroport de Málaga pour lui préférer celui de Sevilla ou, plus près encore, celui de Jerez de la Frontera. Ils sont desservis au départ de nombreux aéroports européens, en vol direct ou avec escale à Madrid ou Barcelona. Une fois sur place, direction Cádiz où vous attend l’Atlantique.
Cádiz, cité portuaire, se présente telle une presqu’île. Une longue bande étroite, vous emmène de San Fernando à la ville moderne que vous traversez sans un regard. La vieille ville, pour sa part, a peu souffert de l’expansion urbanistique. Elle reste un dédale de rues ombragées par de hautes façades, qui donnent sur des places à l’allure coloniale. Passez la Puerta de la Tierra et entrez dans le quartier Populo, le berceau de la ville. Imprégnez-vous de l’esprit avant-gardiste de Cádiz. Au détour de chaque ruelle, de chaque rue, se dressent de somptueuses demeures qui gardent tant de secrets. Accrochés aux remparts, les jardins aménagés avec goût (andalou) invitent à profiter de la douceur du moment. Quelques fortins, transformés en petits musées ou en salles d’exposition, sont autant de haltes dans une ville qui se visite à pied. La cathédrale vaut le déplacement pour son trésor (et la tombe du compositeur Manuel de Falla). Les nombreuses tours de guet composent une particularité de la ville européenne la plus ancienne, témoins de sa prospérité commerciale à son apogée au XVIIIème siècle. La plus emblématique reste la tour Tavira (du nom de sa première vigie). Depuis la chambre noire, la ville et sa baie s’étalent à vos pieds, telles une photo en mouvement, grâce à un savant jeu de lentilles.
Cádiz - il aura fallu 161 ans pour construire la cathédrale.
Cádiz - La casa de las cinco torres El Ayuntamiento (Mairie) face au port
En voiture, il est possible de boucler la baie de Cádiz grâce aux ouvrages de génie civil qui dominent les salines - où subsistent encore des vestiges d’anciennes exploitations - ou la mer.
Première étape, El Puerto de Santa Maria !
El castillo San Marcos où séjourna Christophe Colomb
En avril 1492, un gênois en parcourt les rues à la recherche de marins. Il appareille pour Palos de Moguer, tremplin pour le bout du monde. Christophe Colomb ne sait pas encore qu’il entre dans l’Histoire. La ville prendra son essor grâce aux échanges commerciaux avec les Amériques dès le XVIIème siècle. Les riches commerçants rivalisent de magnificence en construisant demeures et palais plus somptueux les uns que les autres. Une promenade le long des rues rectilignes suffit pour vous en convaincre. Aujourd’hui, le vignoble de Jerez de la Frontera tout proche contribue à sa richesse.
Dès que les températures nocturnes se font agréables, les fêtards venus de toute l’Espagne convergent vers ses quartiers animés. Ici, le savoir-vivre trouve sa définition.
Quelques kilomètres plus loin, San Fernando dont l’Histoire est, depuis le XVIème siècle, liée à celle de la Marine. Aujourd’hui encore, il s’agit d’une importante ville de garnison qui dispose d’un beau musée consacré à la Marine. Dans la rue principale, de belles demeures bourgeoises rappellent le riche passé commercial de la Isla de Leon.
Chiclana de la Frontera ferme la baie. A en croire le guide vert, cette petite ville sans prétention vous propose l’une des plus belles plages d’Andalousie – la Barrosa – et un complexe hôtelier de luxe – Novo Sancti Petri.
Chiclana de la Frontera - La Playa de la Barrosa, l'une des plus belles d'Andalousie, peut-être même d'Espagne
Calme et sérénité
Entre pinèdes et campos de toros, vous pourrez rejoindre Tarifa, le point le plus méridional de l’Europe continentale. Douze kilomètres vous séparent alors des côtes africaines. Sur votre chemin, il vous est loisible de profiter de plages encore sauvages. De-ci, de-là, vous pourrez même tomber le maillot si l’envie vous en vient sans que les quelques baigneurs ne s’en offusquent.
En route !
Après las calas – amas de rochers détachés de la falaise formant de petites criques -, le phare domine le petit port de pêche de Conil de la Frontera. La ville a su conserver son aspect typique. L’anglais et l’allemand dominent les conversations, surtout en été, mais l’esprit des lieux reste andalou. Une friture de poissons arrosée d’un petit vin blanc du coin par une douce soirée d’été… que demander de plus ? Vous avez déjà gagné votre paradis. La très large plage accueille, dans un joyeux mélange, familles et nouveaux babacools.
La discrétion de las calas de Conil de la Frontera est favorable aux naturistes
Le 21 octobre 1805, au large du cap de Trafalgar, la flotte anglaise, commandée par l’amiral Nelson, affronte l’invincible armada alliée aux Français. Le combat tourne à l’avantage des insulaires qui portent le coup de grâce à la flotte espagnole. Un phare domine la falaise. Au pied, des plages comme on en rêve ! Impossible de s’y rendre en voiture que vous devez abandonner à quelques centaines de mètres !
Cabo Trafalgar - un site entré dans l'Histoire le 21 octobre 1805
Les plages ne manquent pas dans la région.
Si vous préférez un peu d’animation, arrêtez-vous plutôt au village tout proche de Caños de Meca.
La route qui serpente entre les pins parasols du parc naturel de la Breña vous emmène à Barbate, petite ville côtière dont le développement tient essentiellement au poisson – certainement le port de pêche le plus important d’Andalousie - et qui n’a d’autres intérêts que son excellente cuisine.
Poursuivez votre chemin en direction de Zahara de los Atunes en traversant le parc naturel de las Marismas de Barbate. Cette cité côtière qui vivait aussi de la pêche a perdu de sa superbe au cours du XIXème siècle. Aujourd’hui, elle propose encore quelques vestiges du castillo de las Almadrabas – du nom d’une technique de pêche au thon introduite par les phéniciens – et vit essentiellement du tourisme résidentiel.
Une vingtaine de kilomètres plus loin, après avoir rejoint un court instant la route nationale, Bolonia propose les ruines - très bien conservées - de la ville romaine de Baelo Claudia. Très prospère au début de notre ère, elle centrait son activité sur la pêche au thon dans le détroit de Gibraltar et tous les produits dérivés. On a retrouvé aux quatre coins de l’empire romain des amphores, siglées de Baelo Claudia, qui avaient contenu la fameuse sauce garum. On y découvre le plan classique des cités romaines fortifiées avec son forum, ses demeures, ses temples, son théâtre,... et, le long de la mer, la partie industrielle. Les fouilles, toujours en cours, ont mis à jour de très beaux vestiges. Un musée tout récent propose maints objets découverts au fil du temps.
Baelo Claudia connut son apogée au IIème siècle de notre ère grâce à le pêche au thon dans le Detroit.
Depuis quelques années, le paysage de la Costa de la Luz gaditana est dominé par de nouveaux moulins à vent. Jamais Don Quichote n’en serait arrivé au bout tant les éoliennes sont nombreuses au fur et à mesure que vous approcherez du détroit de Gibraltar.
El castillo de Guzman el Bueno domine le port
Tarifa a bien changé en quelques années. De petite ville tranquille, elle a pris le statut de station balnéaire animée. On en oublierait son caractère arabe avec ses maisons à terrasses encastrées dans les remparts de l’alcazaba. Son atout, un vent à décorner les bœufs ! Tarifa est devenue la capitale européenne des sports « fun » que sont le kitesurf ou la planche à voile. Les voilures multicolores font partie du paysage tout comme les enseignes au look hawaïen.
A quelques encablures, le mirador del estrecho (Puerto del Cabrito - 340 mètres), permet de contempler le détroit… avant de dégringoler sur Algéciras, la porte de l’Afrique, et la Costa del Sol.
Mirador del estrecho: 12 kilomètres séparent deux continents
N’en faites rien ! Reprenez la route nationale (N-340) en direction de Cádiz. Après cinquante kilomètres, accroché sur son piton rocheux, Vejer de la Frontera se présente à vous dans toute sa splendeur. Certainement un des plus beaux villages blancs d’Andalousie ! Ses remparts à créneaux, ses rues en pente, ses patios fleuris, ses maisons à terrasses donnent à la petite cité un air de ville arabe bien entretenue.
Vejer de la Frontera : La Casa del Mayorazgo emporte très souvent le concours de patios fleuris.
Vejer de la Frontera - Parque de los cuatro vientos. Les moulins sont réduits à un rôle de musée.
Des souvenirs plein la tête, vous ne pensez qu’à revenir dans ce petit coin de paradis en plein XXIème siècle. Cette balade côtière vous a ouvert l’appétit. Quelques kilomètres à l’intérieur des terres, vous aurez l’opportunité de visiter d’autres merveilles hors du temps : Medina Sidonia, Arcos dela Frontera et la route des villages blancs, la Sierra gaditana dont les sommets dépassent les mille mètres,… sans oublier Jerez de la Frontera, un incontournable pour qui apprécie les chevaux et le vin. Mais toute bonne chose a une fin… et il vous faut reprendre l’avion.
Hasta luego !
Coucher de soleil sur Sancti Petri (Chiclana de la Frontera)
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